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Orvet

ORVET - Anguis fragilis


Serpent de verre… drôle de nom, n’est-ce pas ? Et pourtant, il ne désigne pas un serpent, même si l’animal en question serpente, parfois dans le serpolet, mais un reptile, apte à la reptation, capable de se faufiler subrepticement avec une facilité étonnante.

Ni serpent, ni ver, car vertébré, contrairement aux lombrics dont il est d’ailleurs friand ! Allons, partons à la découverte du serpent de verre, glissons-nous dans la peau de l’orvet ! Brrr… L’image fait frissonner. C’est normal. Gardons notre sang-froid, tout ira bien.

Photo : A. Pironet

Classification, groupe biologique :

Embranchement : vertébrés. Bref, loin des lombrics ou limaces qui foisonnent dans le même habitat.

Classe : reptiles. A ce niveau, la parenté avec les crocodiles ou les tortues existe toujours. Imaginons : nous sommes au Secondaire, il y a 200 millions d’années. Les seuls vertébrés qui tentent de peupler la terre sont les amphibiens et les reptiles. Et ces derniers vont innover et révolutionner le monde animal Ils inventent l’œuf. Avec le jaune, le blanc et la coquille. C’est à eux que vous devez vos œufs, sur le plat ou à la coque. Ce sont eux qui ont trouvé le moyen de se libérer totalement du monde aquatique. Jusque là, hors de l’eau, les pontes mourraient !

Sous-classe : lépidosauriens. A ce stade de l’évolution, on quitte les dinosaures et autre reptiles volants , les crocodiles et les ancêtres des oiseaux ou des mammifères.

Ordre : squamates. On compte 6000 espèces de squamates . Parmi elles, trois sous-ordres, dont les lézards et les serpents. Le troisième, je le passe : il n’en existe qu’une espèce en Europe du nord,.

Sous-ordre : sauriens. Ici, on laisse les serpents (ophidiens) de côté. Nous sommes enfin dans un groupe plus cerné : les lézards . Oh mais les reptiles ont donné du fil à retordre aux scientifiques et , pour mieux s’y retrouver, on a décidé de simplifier les choses en compliquant le tout et d’instaurer, dans le déjà sous-ordre des sauriens, un infra-ordre…

Infra-ordre : anguimorpha. Là, on est encore avec le varan , par exemple, mais nous abandonnons iguanes et geckos.

Famille : anguidé ! Et bien, on y arrive. Enfin, si on veut. Car anguis signifie « serpent ». De quoi perdre son latin ! Bref. Lézard sans pattes. Lézard serpentiforme, en somme. Pas serpent pour un sous. Vous suivez ? Tant mieux. Moi pas ! Mais ici, tout devient clair : 2 espèces en Europe, une seule en Belgique. OUF !

Ses noms et chiffres :
Nom scientifique : Anguis fragilis
Nom français : Orvet, serpent de verre, borgne.
Nom néerlandais : Hazelworm, blindslang.
Nom anglais : Slow worm.
Nom allemand: Blindschleiche.
Noms wallons : Ronde vièche, orvège, coupuèpe d’héhure, morvèt, scorlet,...

Reptile, admettons. Mais pourquoi lézard et non serpent ?

Ce sont des différences morphologiques qui séparent les serpents des lézards.

  • Les lézards ont deux oreilles externes. Les tympans se devinent à l’arrière de l’œil.
  • La majorité des lézards ont des pattes. Mais l’orvet les a perdues… on parle d’évolution régressive. Cela signifie, en gros, que les pattes ne lui servaient à rien, il avait donc avantage à les ôter de son anatomie. Ce qu’il a fait, gaillardement !
  • Les paupières des lézards sont mobiles. S’ils en ont le besoin ou l’envie car l’orvet que j’ai photographié n’a pas fermé l’œil une seule fois !
  • La queue de la plupart des lézards peut se briser par autotomie… celui-ci l’avait entière et je n’ai rien fait pour la rompre.
  • Les écailles du ventre sont semblables à celles du dos, ce qui, pour être vérifié, demande une manipulation de l’animal.

Bref, on a beau dire, ce n’est pas si simple… le mieux est de connaître ce lézard, de le regarder, de repérer la tête si peu distincte du corps, le manque d’agressivité de l’animal, son comportement passif, la couleur de sa robe et de savoir qu’en Belgique, il n’y a guère de doute.

Les seuls rampants sont la vipère et la couleuvre lisse (rares dans les environs fagnards), la couleuvre à collier, très rapide, trop rapide -n’est-ce pas Jean-Marc et Michel (la prochaine fois, ils me l’attraperont, et elle fera l’objet d’un article, mais c’est une autre histoire)- et l’orvet !

Animal à sang froid.

Oui et non. En fait l’orvet, comme tous les reptiles, est incapable de réguler sa température interne. Celle-ci est donc fonction de la température ambiante dont l’animal dépend pour toutes ses activités. Il a besoin de chaleur pour vaquer à ses occupations de chasse ou de flirt, mais une forte canicule peut lui nuire. Il est alors contraint de se cacher sous des pierres ou dans des galeries de rongeurs et de siester (le pauvre) jusqu’au soir…

Serpent de verre, orvet, borgne.

Capable d’autotomie, l’orvet fragile peut effectivement abandonner sa queue pour distraire un prédateur et ainsi s’enfuir. La queue repoussera mais nettement plus courte : quelques centimètres seulement.

Ses noms vernaculaires semblent le vouer à la non voyance ! Orvet vient de Orbus, aveugle. Croyance dur à cuire mais qui est totalement fausse. L’orvet voit. La position des yeux le limite cependant à une vision binoculaire

Vie d’orvet en Wallonie.

Caractéristique des lisières, l’orvet est plutôt sédentaire. Se nourrissant surtout de limaces et de vers de terre (aussi d’insectes), on a plus de chances de l’apercevoir après une pluie, surtout à l’aube ou au crépuscule mais il n’est pas rare de le trouver, immobile, se chauffant aux rayons du soleil.

Ovovivipare, ses petits, au nombre de 6 à 12, parfois 20, longs de 7 à 10 cm, déchirent la coque mince de leur œuf dès la naissance. Il faut dire qu’ils ont eu trois mois pour se développer dans le ventre maternel, avant la ponte.

Reptile, il mue donc, laissant des exuvies généralement en lambeaux.

En automne, il hiverne dans un abri, galerie de micromammifère, sous un tas de compost, dans une fente de rocher, parfois en compagnie de ses congénères ou même d’autres reptiles ou batraciens. Ses prédateurs sont multiples : mammifères, reptiles et oiseaux.

Orvet, méconnu.

A la recherche de renseignements sur cet animal, j’ai trouvé, sur Internet, un site destiné à la vente de reptiles et plus précisément sur une jeune personne proposant une portée d’orvets, à 5 Euros la pièce, vantant la beauté de « ces petits serpents gris-or qui ne mordent jamais ! », je cite… Heureusement, cette demoiselle (ou supposée telle) a reçu une réponse assez cinglante : « Attention !!!!!, l’orvet est une espèce protégée et son commerce est strictement interdit. Tu devrais plutôt participer à la protection de la faune française en relâchant ces adorables petits lézards ». Merci à « Florent » pour cette répartie. En Belgique aussi, le commerce de l’orvet est interdit. A Bruxelles et en Flandre, il est entièrement protégé. En Wallonie, il est mentionné dans l'Annexe 3 du décret du 6 décembre 2001, en vertu duquel on retiendra surtout qu'on ne peut ni le capturer, ni le mettre à mort, ni le perturber intentionnellement.

Orvet, star.

Lors d’une promenade dominicale des Amis de la Fagne, Michel a attrapé un orvet et nous avons pu le regarder longuement. Nous étions fascinés. Pourtant, nous connaissons tous cet animal. Il fait d’ailleurs partie des traditions littéraires :

La légende du rossignol

C’était aux premiers âges du monde, sans doute peu de temps après la Création ; les rares animaux vivant alors sur la terre n’avaient qu’un oeil. De ce nombre étaient la rossignol et l’orvet, cet inoffensif petit serpent de verre, à la queue si fragile, pas excessivement répandu, et que l’on rencontre dans les trous des vieux murs, parmi les pierres ou sous les broussailles des endroits humides. Or, il arriva que le rossignol fut convié aux noces. Etait–ce aux noces du merle ou du papillon ? La légende est muette sur ce point. Toujours est–il que l’oiseau, voulant briller à cette fête, ne trouvait pas suffisante pour cela son admirable voix. Il alla voir l’orvet qui sommeillait dans la fraîcheur de l’ombre et lui tint à peu près ce discours :
– Mon cher ami, je suis de noce, et comme il y aura une brillante assemblée, je désirerais
faire bonne figure à la cérémonie.
– Mais ta voix charmera tout le monde, répartit l’orvet.
– Sans doute, cher ami, mais tous les convives seront–ils amateurs de chansons ?… Il y aura un bal après le festin, et c’est là surtout que je voudrais faire sensation. J’y rencontrerai le bouvreuil au jabot écarlate, le chardonneret au bec rosé encadré de vermillon, aux ailes pailletées d’or, la fauvette coiffée de noir… Que sais–je encore ?… Mon habit roux et terne ne se distinguera guère dans cette foule élégante… Il faut pourtant que je me signale de quelque façon… Tiens, par exemple, si tu voulais me prêter ton oeil –que, sans faute, je te rapporterais le lendemain– si tu voulais me rendre cet éminent service, eh bien, je crois qu’il serait parlé de ton ami la rossignol !…

L’orvet, un brave coeur, plein d’obligeance, acquiesça à la demande de son voisin.
Celui–ci, le seul être qui eût alors deux yeux, grâce à la complaisance du petit serpent, fut tellement admiré et adulé au festin et au bal qu’il ne put jamais se décider à restituer l’oeil emprunté. Le pauvre orvet, victime de sa bonté, aveugle depuis cette époque reculée, a voué une haine terrible au rossignol et sa pensée est de reprendre le bien précieux qui lui a été si malhonnêtement ravi. Mais l’oiseau à la voix mélodieuse se tient sur ses gardes ; il ne dort plus depuis des siècles, ne voulant pas se laisser dépouiller à son tour. Craignant d’être surpris durant son sommeil, pour ne pas s’endormir, il égrène pendant des nuits entières ses sérénades aux étoiles.
E. JOUIN

Orvet en fagne.

L’orvet photographié était sur un petit chemin à quelques mètres de la fagne de Malchamps. Jean-Marc a photographié un spécimen en bordure de la fagne wallonne. L’orvet est donc bien présent sur le haut plateau fagnard.

Orvet étonnant.

La croissance de ce lézard est lente. De même que la lenteur de ses déplacements (cf nom angais=ver lent). La femelle attendra 4 à 5 ans avant d’atteindre la maturité sexuelle (les mâles 3 ans). Un délai de 30 minutes entre la ponte de deux œufs est normale. Les jeunes d’un an atteignent 16cm, 25cm à trois ans. Le coït peut durer 20 heures. Par contre, une longévité de plus de 30 ans est tout à fait possible. En captivité, on a noté un record de 54 ans (ou 45ans dans un autre livre, même musée mais était-ce le même orvet ?), au musée de Copenhague. Ce mâle se serait encore accouplé avec une femelle de 20 ans.

Texte et photos: Annick Pironet
Extrait de "Hautes Fagnes"

Bibliographie.

Archie Carr – Les Reptiles – Collections Time-Life – Collection Jeunesse – 1969
Bernard Le Garff – Les amphibiens et les reptiles dans leur milieu – Bordas – Ecoguides – 1991
E.N. Arnold et J.A. Burton – Le multiguide nature de tous les reptiles et amphibiens d’Europe en couleur – Bordas- 1978
Beauté du Monde Animal – Reptiles Amphibiens Tome IX – Larousse – 1973

Sites internet consultés : http://mrw.wallonie.be/dgrne/s... -01/2004

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