Faune > Invertébrés > Insectes

Gerris

Qui ne s’est jamais arrêté au bord d’un étang pour regarder ces petits insectes noirâtres glissant à la surface des eaux.

On les appelle habituellement « araignées d’eau », probablement à cause de leurs longs membres, et pourtant il s’agit bel et bien d’insectes : ils possèdent trois paires de pattes (contre quatre paires chez les araignées, comme chez notre chère dolomède).

Mais comment font-ils pour marcher sur l’eau ?

Nul besoin d’être un grand magicien ou d’avoir du sang divin pour cela. Le truc ? La tension superficielle et des poils hydrophobes ; le tout permet à l’insecte de ne pas s’enfoncer dans l’eau.

Cela paraît technique dit comme ça et pourtant, c’est assez simple.


Photo : Rudy Cors

Qui sont les Gerris ?

Le sous-ordre des Hétéroptères renferme des insectes présentant, entre autres caractères :

  • un rostre de type piqueur-suceur naissant à l’avant de la tête et replié vers l’arrière ;
  • deux paires d’ailes disposées à plat sur l’abdomen au repos. Les antérieures - aussi appelées hémélytres - sont semi-membraneuses ;
  • des glandes odorantes produisant un liquide nauséabond.

Ces insectes hétérométaboles - c’est-à-dire dont les larves et les adultes se ressemblent - sont communément désignés sous le nom de « punaises ».

Le sous-ordre des Hétéroptères regroupe près de 30.000 espèces dans le monde, terrestres pour la plupart, près de 10 % d’entre-elles sont toutefois aquatiques.

Ce sont des insectes phytophages ou prédateurs se nourrissant de liquides (sève, lymphe, sang, …). Certains préfèrent sucer des graines, d’autres des filaments mycéliens.

Les Gerris appartiennent à l'ensemble des Hétéroptères aquatiques, un groupe d’insectes ayant pour point commun de vivre sur l’eau, dans l'eau ou au voisinage immédiat de zones humides. Ils ont une prédilection pour les eaux douces stagnantes ou les secteurs à faible courant et ont développé au fil de leur évolution des pelotes soyeuses au niveau des tarses, leur permettant d’évoluer sur l’eau.

De couleur gris sombre à noir, les Gerris ont un corps mince et allongé qui, comme chez tous les insectes, est divisé en trois parties distinctes : la tête, le thorax et l’abdomen.

La tête est petite et porte les yeux composés, un rostre (comme tout bon Hétéroptère qui se respecte) ainsi qu’une paire d’antennes noires, robustes, formées de 4 articles, le premier étant tout au plus aussi long que le second et le troisième réunis.

Comme il est de mise chez les insectes, c’est le thorax qui porte les pattes ainsi que les ailes.

- Comme dit précédemment, les pattes sont au nombre de trois paires. Elles sont grêles et assez semblables en structure, ne différant que par leur taille : les médianes et les postérieures étant plus développées que les antérieures. Ces quatre grandes pattes servent à la locomotion, effectuant des mouvements similaires de manière simultanée, donnant au déplacement de l’insecte un aspect saccadé. Bien que non ravisseuses - c’est-à-dire non modifiées pour la capture des proies comme chez d’autres Hétéroptères aquatiques (nèpes et ranatres - ou pour prendre une image plus parlante, à la manière des mantes religieuses) - les petites pattes antérieures, servent à maintenir les proies. Les tarses, les deux articles situés aux extrémités des pattes, sont recouverts de poils coniques hydrophobes.

- Les deux paires d’ailes ne présentent pas la même consistance. Les postérieures sont membraneuses et transparentes, un peu comme le sont celles des mouches, tandis que les antérieures sont, dans leur partie proximale, plus coriaces et opaques. Les Gerris présentent un polymorphisme alaire, c'est-à-dire qu’il existe au sein d’une même espèce des individus adultes (mâles et femelles confondus) avec des ailes parfaitement développées tandis que d’autres sont brachyptères ou microptères (pourvu d'ailes de taille réduite et très réduite), voire même entièrement aptères. Ce sont ces ailes qui permettent aux Gerris de coloniser assez rapidement de nouveaux habitats tels que les ornières forestières ou les mares nouvellement creusées.

L’abdomen est composé de 8 segments et porte à son extrémité les appareils reproducteurs.

Les Gerris sont des prédateurs se nourrissant principalement d’insectes tombés à l’eau. Ils les repèrent généralement grâce aux vibrations générées par les mouvements que ces derniers effectuent pour se dépêtrer du liquide. Ils plantent leur rostre dans leurs proies afin d’en aspirer les fluides.

Image
Image

Il n’a fallu que quelques secondes à ces sept Gerris pour s’emparer d’une fourmi ailée tombée à l’eau. (août 2007).

Sur ce cliché, on compte plus d’une vingtaine de Gerris amassés autour de ce bombyx. (juillet 2007)

L’accouplement à lieu sur l’eau, la femelle pouvant porter le mâle pendant plusieurs jours consécutifs. Les œufs sont collés sur les plantes aquatiques au moyen d’un mucus.

Dans nos contrées, la plupart des Gerris présentent un cycle annuel avec deux générationspar an : la première (qualifiée d’estivale) éclôt au printemps ; la seconde (dite hivernale) se développe en été. Ce sont les adultes de cette deuxième génération qui hivernent sous les souches bordant les plans d’eau ou dans leurs berges.

En Belgique

La faune belge compte six espèces de Gerris dont trois sont très courantes dans les Hautes Fagnes (en brun dans la liste ci-dessous) :

- Gerris (Gerris) argentatus Schummel 1832 ;
- Gerris (Gerris) gibbifer Schummel 1832 ;
- Gerris (Gerris) lacustris (Linnaeus 1758) ;
- Gerris (Gerris) odontogaster (Zetterstedt 1828) ;
- Gerris (Gerris) thoracicus Schummel 1832 ;
- Gerris (Gerriselloides) lateralis Schummel 1832.

A la surface de l’eau on peut également rencontrer d’autres Hétéroptères aquatiques ayant une certaine ressemblance avec nos Gerris, appartenant aussi bien à la famille des Gerridae, qu’à celle des Veliidae ou des Hydrometridae :

Autres Gerridae
- Limnoporus rufoscutellatus (Latreille 1807) ;
- Aquarius najas (De Geer 1773) ;
- Aquarius paludum (Fabricius 1794).

Veliidae
- Microvelia (Microvelia) buenoi Drake 1920 ;
- Microvelia (Microvelia) pygmaea (Dufour 1833) ;
- Microvelia (Microvelia) reticulata (Burmeister 1835) ;
- Velia (Plesiovelia) caprai Tamanini 1947 ;
- Velia (Plesiovelia) saulii Tamanini 1947.=

Hydrometridae
- Hydrometra gracilenta Horváth 1899 ;
- Hydrometra stagnorum (Linnaeus 1758).

Le genre Limnoporus se différencie des Gerris principalement par les antennes qui sont assez grêles, aussi longues ou plus longues que la moitié de la longueur du corps de l’insecte. Le premier article antennaire étant plus court que les II et III réunis. L’avant du pronotum est orné de deux taches rousses distinctes.

Les antennes des Aquarius sont quand à elles sensiblement identiques à celles des Gerris du point de vue de leur longueur. Une différence se marque tout de même au niveau du premier article antennaire qui est plus long que les II et III réunis. Ces espèces sont également plus grandes.

Les Veliidae se distinguent des Gerridae par les pattes postérieures qui sont à peine plus longues que les antérieures ; les intermédiaires qui sont situées à égale distance des antérieures et des postérieures. Le corps est d’aspect plus trapu et teinté de brun-roux.

Les Hydrometridae quand à eux sont aisément discernables des Gerridae et des Veliidae par leur tête cylindrique, très longue ; leur aspect linéaire, très grêle et effilé ; leurs pattes identiques en forme et en taille ; leur façon de se mouvoir sur l’eau, donnant l’impression de marcher en un déplacement fluide et régulier plutôt que de glisser de manière saccadée (Gerridae et Veliidae).

Image

Velia sp., de taille inférieure à celle d’un Gerris, montrant des taches roussâtres sur la partie dorsale de son abdomen. (octobre 2007)

D’autres familles d’Hétéroptères ont également colonisé le milieu aquatique tels les nèpes, les ranatres, les corixes ou les notonectes. Toutefois, ces derniers insectes sont des nageurs de pleine eau.

Image
Image

Une ranatre, grand Hétéroptère aquatique pourvu d’un long siphon respiratoire, montrant des pattes antérieures de type ravisseuses. (septembre 2007).

Un notonecte, un second Hétéroptère aquatique vivant sous l’eau. (août 2007).

Comment ça marche … sur l’eau ?

Tout est question de densité diront certains, le bois est moins dense que l’eau donc le bois flotte, mais la densité du gerris est plus élevée que celle de l’eau : la solution se trouve ailleurs.

Il faut chercher du coté de la tension superficielle et des poils recouvrant l’extrémité des pattes de ces insectes.

Au sein d’un liquide toutes les molécules s’attirent entre-elles, dans toutes les directions, ce qui crée une situation d’équilibre (la résultante de ces forces de cohésion étant nulle).

En surface (interface eau-air) il en va autrement. Une molécule située dans cette zone est soumise à plus de force d’attraction provenant de la partie « eau » située autour d’elle que de la partie « air » (l’air étant moins dense que l’eau et donc possédant moins de molécules par unité de volume). Il en résulte une plus forte cohésion entre les molécules se trouvant en surface qu’au sein du liquide.

Plus simplement, considérons que les forces décrites ci-dessus créent une sorte de « membrane liquide » à la surface de l’eau, de l’épaisseur de quelques molécules. Les Gerris se déplacent sur cette membrane, comme une personne se déplacerait sur une bâche (suffisamment résistante) tendue par dessus une piscine.

C’est cette tension superficielle (ou tension de surface) qui permet de faire flotter sur l’eau, si on les y place délicatement, une aiguille de couture ou un trombone. C’est également la tension superficielle qui est responsable du phénomène de capillarité (papier buvard, sève dans les plantes, …), qui forme un ménisque à la surface d’un verre d’eau, qui tend à former des gouttes arrondies, …

Les Gerris marchent sur leurs tarses, les poils qui les recouvrent accentuent l’effet (par leur nature hydrophobe, leur forme conique et leur orientation) en augmentant la force de contact sur le liquide.

Les Gerris ont su s’adapter à cette zone particulière qu’est la surface du milieu aquatique. Se rencontrant aussi bien sur les étangs ou les mares nouvellement creusés que sur les flaques temporaires ou les ornières forestières, leur faculté de dispersion a fait d’eux des insectes pionniers.

Même les étendues d’eaux fagnardes, pourtant réputées acides et peu propices au développement de la vie animale, accueillent ces insectes fascinants.

Texte et photos : Ruddy Cors

Bibliographie:

Baugnée J-Y, Dethier M., Bruers. J, Chérot F. & Viskens G., 2003. Liste des punaises de Belgique (Hemiptera Heteroptera). Bullerin S.R.B.E./K.B.V.E., 139: 41-60

Dethier M., 1986. Hétéroptères aquatiques et ripicoles. In "Introduction pratique à la Systématique des organismes des eaux continentales françaises". Ass. franç. Limnol., vol. 6, 44 pp.

Heymons R. & H. & Kuhlgatz Th ., 1961. Die Süsswasserfauna Deutschlands. Heft 7, 112 pp. J. Cramer Verlag, Weinheim.

Marlier G., 1978. Les Insectes Aquatiques. Les Naturalistes Belges, Bruxelles, 100 p.

Nieser N., 1982. De Nederlandse water- en oppervlakte wantsen. Wetensch. Meded. K.N.N.V. n° 155, 78 pp + pl.

Poisson R., 1957. Hétéroptères aquatiques. Faune de France 61, Fédération Française des Sociétés de Sciences Naturelles, Paris. 263 p.

http://udppc.asso.fr/auvergne/article30.html

http://www.univbrest.fr/physique/documents/
licence_biologie/L1_physique_generale_part3.pdf

http://www.faunaeur.org/

Image

Les Amis de la Fagne

SOCIÉTÉ ROYALE ayant pour objectif
LA DÉFENSE ET L’ILLUSTRATION DU HAUT-PLATEAU FAGNARD


SITE OFFICIEL DE LA SOCIETE ROYALE
"LES AMIS DE LA FAGNE" ASBL

Siège social : Place de Petit-Rechain, 1, B-4800 VERVIERS

N° national: RPM Verviers 0408131260

0496 87 58 28 @ info@amisdelafagne.be

Copyright © Les Amis de la Fagne • Webmaster : F. Stolsem 2024