Flore
CARTE D'IDENTITE
Nom scientifique: Erica tetralix L.
Nom français usuel: Bruyère quaternée.
Nom néerlandais: Gewone dopheide ("bruyère à gousse commune").
Nom allemand: Gemeine Glockenheide ("bruyère à cloches commune").
Noms wallons:
- A Verviers lu Brouwî.
- A Malmedy lu Brèyîre du malton (= bourdon) ou lu neûre Brèyîre (la corolle était appelée cloke, "cloche", hiyète, "sonnette", ou encore moûssi, "pot à beurre").
La Bruyère quaternée est une plante à fleurs de la famille des Ericacées.
Cette espèce est un des deux représentants indigènes en Belgique du genre Erica, qui en compte plus de quatre cents dans le monde. L'autre (vraie) Bruyère belge, la Bruyère cendrée (Erica cinerea L.), est une plante des landes sèches de Campine orientale et des environs de Bruges.
La Callune (Calluna vulgaris (L.) HULL.), aussi appelée Bruyère commune, est une espèce distincte, appartenant à un autre genre (Calluna) des Ericacées, mais qu'on a coutume d'englober dans le terme générique de "bruyère".ETYMOLOGIE.
Déjà en latin et en grec, la Bruyère s'appelait Erica. Ce nom dériverait du grec "ereiko", "je brise", car on aurait attribué à la plante la propriété de dissoudre les calculs.
Tetralix désignait dans ces mêmes langues une plante épineuse dont l'identité n'a pu étre précisée.
Le terme bruyère apparaît en français au XIIe, siècle, du latin populaire (non attesté) brucaria, "champ de bruyère", lui-même dérivé du bas-latin brucus, "bruyère", d'origine celtique.
SIGNES PARTICULIERS.
La Bruyère quaternée est un sous-arbrisseau (de 15 à 50 cm de haut), vert toute l'année.
Les rameaux sont minces, dressés et couverts de poils.
Les nombreuses feuilles sont simples et petites. Leur limbe est entier, étroit (4- 5 mm de long, 1- 2 mm de large), vert grisâtre, garni d'un fin duvet (pubescent). Les bords enroulés vers le bas donnent aux feuilles un aspect d'aiguilles, mais laissent apparaître une partie de la face inférieure. Les feuilles sont disposées par quatre au même niveau autour de la tige (verticillées par quatre).
Les fleurs sont groupées par cinq à douze à l'extrémité des rameaux et s'inclinent vers le sol. Chaque fleur renferme les deux sexes, au sein d'une corolle rose (rarement blanche) en forme de grelot (7-8mm sur 4mm) à quatre petits lobes. A la base de la corolle: un petit calice constitué de quatre sépales verts garnis de cils.
Le fruit est une capsule, un fruit sec s'ouvrant à maturité par quatre valves et contenant des graines minuscules.
Attention ! Il ne faut pas confondre la Bruyère quaternée et la Callune.
Alors que les feuilles de la Bruyère quaternée sont verticillées par quatre, celles de la Callune sont opposées deux à deux et imbriquées sur quatre rangs.
Chez la Callune, la corolle est dissimulée par un calice rose violet beaucoup plus long qu'elle, contrairement à la Bruyère quaternée qui présente un petit calice vert à la base de la corolle rose.
VIE DE LA BRUYERE QUATERNEE.
La Bruyère quaternée est une plante vivace. Elle survit à la mauvaise saison grâce aux bourgeons que portent ses tiges ligneuses. Les clochettes florales s'épanouissent de juin à août (de début août à début septembre sur le Haut-Plateau). Elles sont fécondées par des insectes (Hyménoptères) qu’elles attirent par leur nectar mellifère et qui, en les butinant, transportent le pollen des étamines d'une fleur au pistil d'une autre. Mais l'autofécondation est possible en l'absence de visites d'insectes. La corolle et le calice demeurent, séchés, sur la plante après la floraison.
Les graines sont disséminées par le vent et germent en automne. Mais la plante se multiplie aussi par les ramifications de ses tiges souterraines.
Les feuilles restent en place durant tout l'hiver, ce qui permet à la plante d'accumuler, grâce à la photosynthèse, des matières nutritives pour le printemps suivant.
Ce cycle vital annuel de la Bruyère quaternée peut se reproduire jusqu'à vingt fois.
LA BRUYERE QUATERNEE DANS LA NATURE.
La Bruyère quaternée croit jusqu'à 2.000 mètres d'altitude. Elle réclame un sol humide à mouillé, acide, siliceux, et peuple les landes humides et les tourbières en voie d'assèchement.
La bruyère est à ce point caractéristique des landes que son nom (bruyère, mais aussi Heide en allemand) désigne à la fois la plante et la lande où elle pousse.
La Bruyère quaternée existe dans toute l'Europe occidentale. En Belgique, elle est assez commune en Haute Ardenne, assez rare en Campine et très rare ou absente dans les autres districts.
L'HOMME ET LA BRUYERE QUATERNEE.
Plante de goût et de texture peu agréables, la Bruyère quaternée n'a guère été utilisée dans l'alimentation humaine. On cite toutefois une sorte d'hydromel de bruyère, une boisson fermentée à base de miel et de fieurs de Callune ou de Bruyère (surtout de Bruyère cendrée), que consommaient abondamment les Gaulois. Encore récemment, les habitants des Hébrides buvaient une telle boisson, mais où le malt remplaçait le miel.
La Bruyère quaternée n'est pas dépourvue de propriétés médicinales: elle favorise notamment le resserrement des tissus, l'élimination des toxines et la sécrétion urinaire (elle est astringente, dépurative et diurétique).
On cultive pour l'ornement des parcs et des jardins plusieurs espèces, cultivars et hybrides du genre Erica.
En ce qui concerne les Hautes Fagnes, les rapports de l'homme et de la Bruyère s'inscrivent dans le cadre des anciennes pratiques agro-pastorales. A l'époque où chaque village périfagnard comptait un ou plusieurs ruchers, le miel de bruyère était particulièrement apprécié. Les paysans de jadis pratiquaient le stiernage: ils fauchaient la lande - et donc la bruyère - et ratissaient la tourbière pour fournir une litière au bétail.
Texte: Bernard RAUW.
(Extrait de "Hautes Fagnes" n° 211 - 1993-3)